Baisser la température de l’air pour faire
des économies, une bonne idée ?
Par Loïc Tachon, chercheur et ingénieur R&D "thermique", et l'équipe de Sunny Shark.
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Baisser la température de l’air semble être une évidence afin de réduire les consommations énergétiques et donc les factures. On entend souvent dire que baisser la température de 1°C permet de réduire les consommations de 7%. Ceci est plutôt vrai pour des bâtiments classiques, cependant, une piscine est loin d’être un bâtiment classique.
La présence d’un bassin chauffé et la gestion de l’humidité qu’il apporte à l’air impacte fortement le fonctionnement du bâtiment. L’énergie nécessaire au chauffage de l’eau peut être supérieure à celle nécessaire au chauffage de l’air et la consommation énergétique liée à sa déshumidification est également non négligeable.
L’évaporation, la consommation énergétique contre-intuitive des piscines
Voyons de plus près ce qu’il se passe quand on décide de baisser la température de l’air.
L’effet positif évident est que l’énergie nécessaire pour lutter contre les déperditions thermiques par l’enveloppe du bâtiment et pour réchauffer l’air neuf nécessaire à la ventilation est réduite.
Toutefois, dans le bassin, les déperditions énergétiques se font essentiellement par évaporation et il est nécessaire de la prendre en compte dans le bilan énergétique global de cette baisse de température d’air.
L’impact de la régulation d’humidité sur l’évaporation
Il existe deux façon classiques de gérer l’humidité dans le hall : soit en maintenant constant le taux d’humidité relative, soit en maintenant constante l’humidité absolue.
1. La régulation à humidité relative constante
De façon simplifiée, le flux d’eau qui s’évapore décroit en fonction de la température de l’air lorsqu’on fonctionne à consigne d’humidité relative constante : plus l’air du hall est chaud, moins il y a d’évaporation.
Par opposition, baisser la température de l’air a pour effet d’augmenter l’évaporation, ce qui tend à refroidir l’eau du bassin, qu’il faut donc réchauffer.
Davantage d’évaporation implique également plus d’humidité introduite dans l’air. Le traitement de l’humidité peut se faire de différentes façons mais la forme la plus simple et la plus fréquente est d’augmenter l’apport d’air neuf dans la ventilation. En conséquence, le besoin de chauffage d’air augmente car il faut réchauffer une quantité d’air neuf (froid) supérieure.
En résumé, réduire la température de l’air du hall d’une piscine à humidité relative constante pour réduire les consommations énergétiques peut sembler logique mais ne fonctionne généralement pas. La réduction de la température de l’air augmente l’évaporation de l’eau du bassin ce qui provoque :
- Une augmentation des besoins énergétiques pour le chauffage du bassin
- Une augmentation des besoins énergétique pour déshumidifier le hall par apport d’air neuf.
Dans cette configuration, l’évolution du risque de condensation sur les parties froides du bâtiment est assez limitée mais reste un point de vigilance pour éviter de dégrader le bâti.
2. La régulation à humidité absolue constante
Risque de condensation sur les vitrages en fonction de la température et de l’humidité absolue
A humidité absolue constante, l’évaporation ne varie globalement pas en fonction de la température et on pourrait assez naturellement penser que baisser la température de l’air ne présente plus les inconvénients cités précédemment.
Ce n’est malheureusement pas si simple car baisser la température de l’air du hall implique que la température de l’air qui est soufflé sur les vitrages baisse également, ce qui les refroidit. Il en découle un risque significativement augmenté de condensation : à humidité absolue constante, plus l’air est froid et plus il a tendance à condenser facilement, ce qui n’est pas le cas à humidité relative constante.
Impact d’une baisse de température d’air à humidité absolue constante
Une régulation fonctionnant à humidité absolue constante doit donc être réglée avec une consigne d’humidité relativement basse en hiver pour limiter ce risque de condensation sur les parois froides : un tel niveau de réglage correspond à une consommation d’énergie globalement plus élevée que ce qui est nécessaire.
Études paramétriques des consommations annuelles sur un jumeau numérique
Afin de quantifier si la baisse de la température de l’air du hall des piscines impactent positivement ou négativement les consommations énergétiques d’une piscine, nous allons modéliser une piscine classique.
Sunny Shark est spécialisé dans la conception de jumeaux numériques des piscines publiques et centres aquatiques.
Dans cette étude, la piscine modélisée est un type de piscine assez classique représentée par la figure ci-dessous.
Le hall bassin a une surface de 645 m2 et le bassin mesure 25 m par 12,5 m. La hauteur moyenne du hall est de 5m, donnant un volume de hall de 3225 m3.
Comme souvent dans les piscines, le jumeau numérique possède des vitrages en parois Sud, Est et Ouest.
Le climat considéré est celui de la ville de Paris à partir des relevés des années 2004 à 2018.
Le débit de ventilation de piscine est de 35.000 m3/h avec un apport d’air neuf minimum fixé à 3.000 m3/h.
L’eau du bassin est chauffée à une température de 28 °C.
Une ventilation de type « double flux » est considérée, avec un rendement de 40 %, permettant de récupérer une partie des calories de l’air rejeté.
Des infiltrations sont également considérées au débit de 1,8 m3/(h.m2).
À consigne d'humidité relative constante :
La centrale de traitement d’air a une consigne en humidité relative fixée à 65 %.
4 simulations ont été lancées afin de quantifier les consommations énergétiques de ce site en faisant varier la température de consigne de l’air du hall de 25 °C à 28 °C.
Les consommations totales sur une année sont données par le graphique.
Les résultats montrent que, dans cette configuration, la baisse de la température du hall a un effet contre-productif sur les consommations énergétiques. Baisser la température de hall de 28 °C à 25 °C augmente la consommation de 118 MWh, soit près de 20 %.
Consommations par poste de déperdition à humidité relative constante
Ce graphe illustre parfaitement les phénomènes expliqués précédemment. La baisse de la température du hall diminue les déperditions thermiques liées à l’enveloppe (courbe en jaune). Cependant, comme expliqué, les besoins énergétiques liés à l’évaporation augmentent (en bleu) et, en conséquence, les besoins énergétiques liés au renouvellement de l’air (en gris) augmentent aussi. Les gains liés aux déperditions de l’enveloppe compensent à peine les pertes liées à l’augmentation des besoins de renouvellement d’air, ce qui fait que la consommation globale de la CTA (en orange) est pratiquement stable.
En conclusion, la baisse de la température de l’air a effet quasi nul sur les consommations liées au chauffage de l’air mais augmente considérablement les consommations liées au chauffage du bassin.
Nous rappelons que cet exemple est valable seulement dans le cas où nous sommes en consigne d’humidité relative fixée à 65%.
À consigne d'humidité absolue constante :
Considérons maintenant ce même site mais avec une consigne en humidité absolue fixée à 17 g/m3. Dans ce cas nous observons un comportement différent. La baisse de la température génère une baisse des consommations énergétiques comme le montre la figure.
En consigne absolue fixée, une baisse de la température du hall génère une augmentation de l’humidité relative. En effet, 17 g/m3 à 28 °C correspond à une humidité relative de 62 %. À 25 °C, 17 g/m3 correspond à une humidité relative de 75 %. Ainsi dans ce cas de figure, baisser la température du hall engendre une augmentation de la consigne en humidité relative ayant pour effet de limiter l’augmentation de l’évaporation. Cependant, le risque de condensation est augmenté.
Evolution de la consommation énergétique en fonction de la température du hall à humidité absolue constante
Consommations par poste de déperdition à humidité absolue constante
La figure suivante illustre les consommations énergétiques par poste de déperdition.
Nous voyons que les consommations liées à l’évaporation sont relativement stables tandis que celle liées à la CTA diminuent.
En conclusion, si la piscine est pilotée avec une consigne d’humidité absolue, réduire la température du hall génère une réduction des consommations. Il ne faut pas négliger que l’humidité relative sera supérieure ayant pour conséquence direct une augmentation du risque de condensation. Dans cet exemple, réduire la température du hall de 28 °C à 25 °C, génère une économie de 64 MWh.
Conclusion
À la question, « Réduire la température de l’air du hall des piscines permet-il de faire des économies ? » nous avons vu que la réponse est clairement non si la consigne d’humidité est une consigne en humidité relative et potentiellement oui si la consigne est en humidité absolue. Dans ce second cas, le risque de condensation augmente et le gérer peut impliquer un changement de consigne d’humidité qui peut fortement limiter le gain escompté.
Il est factuel que les consommations énergétiques d’une piscine couverte dépendent d’une relation complexe entre température de l’air, température du bassin et consigne d’humidité, avec la contrainte de satisfaire le confort des usagers et d’éviter la condensation sur les parois.
Ceci met en lumière tout l’intérêt d’un pilotage plus “intelligent” qui permet d’adapter les consignes d’humidité et de température en temps réel afin de satisfaire le confort des usagers en période d’occupation, gérer le risque de condensation à tout moment et minimiser les consommations énergétiques.
Le Smart Pooling® de Sunny Shark est une solution conçue pour gérer ce type de problématique.